L'euthanasie, c'est le crime de ceux qui n'ont rien compris au Mystère de la Vie; il ne nous est pas donné d'épreuve au dessus de nos forces, il suffit de se laisser guider par l'Esprit Universel qui est notre baromètre à tous; on nous donne à chacun un programme, et à chacun de nous d'accepter de l'accomplir sinon nous déséquilibrons le Programme Céleste et toute la Communauté en pâtit à un moment ou à un autre.
Ainsi ma chère grand mère, mémé Marguerite, je l'ai accompagné jusqu'à son dernier souffle, dans sa centième année.
Elle m'avait vu naître, prenant le bus les bigoudis sur la tête, laissant ses casseroles de cuisinière du Baron de Wangen au château du Bois des Harts, à Chambley petit village Lorrain, pour se précipiter à Morlaincourt dans la Meuse ou j'avais eu la bonne idée d'arriver un peu avant l'heure.
Et mémé s'est toujours trouvée sur ma route, pour les bons et moins bons moments, et dans la famille de militaires, ça bougeait beaucoup, et même plus tard dans la vie active, elle était encore là à mes côtés lorsque je prenais ma première crêperie en 1980 aux environs de Brest.
Il y eut beaucoup de galères surtout après avoir foiré mon mariage, et mémé était toujours là.
Et quand je suis revenu au Poitou en 96, son terroir dont elle arpentait les champs dès l'âge de 14 ans , elle était là encore à 84 ans pour donner encore d'elle même pour monter la petite crêperie de Mirebeau.
Mieux, en 97, elle venait s'installer juste en face de la petite boutique, au pays pour finir son temps après avoir passé une vingtaine d'année auprès de Ginette sa fille de Toulouse.
Elle était moins vaillante mais encore alerte et traînait même de façon acharnée au club des aînés ruraux.
Et son truc, c'était de voir la petite boutique qui s'animait en face; elle arrivait même encore à 90 ans à venir faire un bout de plonge en cachette quand y avait le feu.
Elle ne voulait pas aller en maison de retraite et on faisait tout pour respecter son choix.
Mais les aléas de la vie firent que mes parents partirent brutalement, en 2001 pour mon père, et 2004 pour ma mère, sa fille, qui ne ménageait pas sa peine pour l'accompagner.
Mémé encaissa très mal cette perte à 92 ans et elle était beaucoup moins vaillante; moi même, ayant enterré mes derniers proches à part mémé, je voulais me casser.
C'est là que mémé me sortit son fameux: " mais tu m'avais promis de rester tant que j'étais pas dans l'trou" Je pris ça comme un ordre limpide, et vu que je n'avais rien d'autre à faire, je m'engageais donc sur le champ à respecter cette requête.
Je venais juste d'accueillir Volvic, un beau petit boxer, c'est ma pauvre mère qui me l'avait trouvé 15 jours avant qu'elle nous tire sa révérence; et c'est ainsi que nous allons accompagner mémé pendant ses huit dernières années; mémé ne quittait plus son fauteuil dans la cuisine qui trônait face à l'entrée de la crêperie, histoire d'avoir encore un oeil sur les mouvements. Avec Volvic son "gros lard" comme elle l'appelait on va calquer notre vie sur celle de notre vieille dame en ne comptant pas nos allez retour dans la journée; mieux, avec l'accord du toubib, en plus de petites gâteries qu'on lui apportait, elle avait droit à son kyr breton spécial mémé, midi et soir, et l'en restera jamais une goutte, son vrai dernier petit plaisir; les gens du voisinage avaient du goût pour ce rituel qui me voyait traverser la rue, le verre dans une main, et mon Volvic dans l'autre . Bien sur il fallait de l'aide extérieure, et on passa quelques années avec Jaqueline de l'ADMR qui se prit beaucoup d'affection pour mémé; ma soeur participait aussi pour le reste des tâches du quotidien; et comme avec le temps, mémé devenait moins lucide, moins vigoureuse, quelques alertes direction l'hosto mais le fait d'accompagner mémé l'aidait à surmonter l'outrage des ans. J'avais même mon petit interphone dans la cuisine qui me permettait d'avoir une oreille en permanence; parfois des clients étaient surpris d'entendre de drôles de bruits; c'est pas grave, c'est mémé qui tousse. A aucun moment, je ne vis cet accompagnement comme une corvée, celui qui a fait ce monde m'a mis là, alors j'accomplis ma tâche sans discuter; c'est sur que plus on approche de l'extinction des feux, plus l'accompagnement devient plus lourd mais jamais pesant, parce que c'était mon taf. Et puis il faut bien fermer le livre; la dernière année fut plus délicate, mémé s'étant cassé le col du fémur n'était plus mobile et dut rester chez ma soeur à deux pas de là; et c'est pendant l'hiver 2012 qui fut si froid avec cette neige qui n'en pouvait plus, que mémé termina son emploi du temps; je restais auprès d'elle cette dernière semaine plusieurs fois par jour. C'est à ce moment que mon bon Volvic qui pourtant était en pleine forme surtout avec la neige, se mit à partir en vrille; il était comme paralysé de l'arrière, je devais le porter, celà dura 8 jours et le 10 février à 2 heures du matin il expira à côté de moi. J'allais aussitôt auprès de mémé, car j'avais eu un électro choc! Mais c'est que c'était l'heure de mémé; le lendemain, le 11 dans la soirée, elle rendit son dernier souffle ; j'avais fait venir juste avant le curé pour son sacrement; je sais, cela semble désuet, mais cela faisait partie de sa culture de vieille paysanne; d'ailleurs, il s'est passé à peine cinq minutes entre le départ du curé et son dernier souffle. De même mon bon Volvic a senti toutes ces choses; j'étais là pour accompagner mémé, ben voila, c'est l'heure, j'ai fait mon taf, j'me casse.
Tout ça peut paraître bien rude, mais c'est ainsi; nos vies sont liées même à celles de nos bêtes, moi aussi, j'ai fait mon boulot et rien d'autre.
J'ai juste aidé comme j'ai pu accompagner ma grand mère qui souhaitait rester au plus près du monde jusqu'à la fin et je ne pense pas que l'on puisse parler de souffrances insurmontables ou de corvées chiantes; mon programme de vie me l'a demandé, et je l'ai fait du mieux que j'ai pu.
Maintenant ces messieurs du programme de mort qu'est l'euthanasie, je vous laisse avec vos idées , sans doute voulez vous être Dieu à la place de Dieu? Ben, c'est pas gagné!
